Je ne vieillis pas, c’est un processus de daddyfication.

Quand la première fois une personne m’a dit « Tu as de plus en plus de poils blancs, dis donc ! », je n’y ai naturellement pas cru. J’ai regardé mon interlocuteur et lui ai exclamé : « Mon jeune ami, je mets votre remarque, on ne peut plus désobligeante, sur le compte d’un manque de discernement grave car, comme vous pouvez le voir, je suis un trentenaire dans la fleur de l’âge, un trentenaire brun, à l’abri de toute blancheur hormis mes dents ! » avant de partir la tête haute sans faire vaciller un seul instant mon monocle en or et mon champagne Ruiné blanc de blanc.

Mais quand la deuxième fois une autre personne m’a dit « Tu as de plus en plus de poils blancs, dis donc », je lui ai gueulé « Et toi, gros sac à f*utre, sale serpillère à backroom usée, est-ce que je te parle de ta calvitie et de tes ongles jaunis dégueulasses ? Va donc te jeter sur l’A4 en direction du Val de Marne ! » avant de la brûler au lance-flammes sous les applaudissements vifs de la foule qui m’a ensuite posé une main sur l’épaule pour me dire que ma réaction était tout à fait proportionnée.

Mais quand la troisième encore une autre personne m’a dit « Tu as de plus en plus de poils blancs, dis donc », j’ai alors senti tout le poids du monde, je me suis courbé, j’ai vu que mes paupières étaient devenues des parachutes bleu nuit, Célina Fion m’est apparue dans un mirage et, dans une grande robe blanche, elle a chanté rien que pour moi « All byyyy Myseeeeeeelf ! Don’t wanna be all by myself ANYMOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOORE ! », sauf, que lorsque je suis revenu à moi, j’ai remarqué que j’étais au restaurant, que j’avais chanté très fort, alors j’ai repris mon rumsteak frites comme si de rien n’était pendant que tout le monde me regardait d’un air interdit.

Après toutes ces remarques, je suis retourné chez moi, je me suis mis devant le miroir, et j’ai sorti toutes les crèmes données par ma mère, et j’ai tout mis sur mon visage. Puis je suis allé le lendemain chez le coiffeur et j’ai coupé les cheveux et la barbe de très près. Enfin, je n’ai fait que regarder des dessins animés… ha non ça c’était déjà le cas.

Ce ne sont pas les poils blancs qui m’inquiètent, ça, j’aime bien, c’est plutôt que dans la famille on n’est pas trop gâté, capillairement parlant (parce qu’ailleurs ça va merci), et quand je vois les calvities et les crânes chauves, je ne suis pas loin de prendre un traitement pour éviter la perte de cheveux. Mais bon, quand je vois le succès des crânes et des grosses barbes chez les homosessuels, j’hésite. On s’en parle dans 10 ans. Peut-être 5. Ou alors 3. Ou l’année prochaine. Ou dans trois mois. Peut-être même demain on ne sait pas.

Vite, ma crème.